Graphic Nuggets, On the Run(s), Vert de Gris

2/ Invaders Must Die (Hulk 368 – 377)

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©Marvel Comics

A peine arrivé, Dale Keown s’éclipse aussitôt (pour mieux revenir) pour laisser la place à un fill-in dessiné par un autre surdoué, Sam Kieth (368).
Fill-in seulement d’un point de vue graphique puisque PAD continue de conter les tribulations de son héros.
Ce dernier reprend la route afin d’échapper à Samson et l’armée mais aussi, et surtout, pour retrouver sa femme.
Il embarque dans un wagon de marchandises où se trouve un autre réfugié malfaisant, Mister Hyde.
David profite ainsi de l’occasion pour confronter Hulk à une autre source d’inspiration ayant présidé à sa naissance, un autre reflet déformé et funeste de ce qui l’attend.

 

David renoue pour le coup avec une veine très sombre et littéraire, son Hyde n’ayant rien à envier à Hannibal Lecter en matière de cruauté, sadisme et raffinement lettré.
Cette rencontre mine un peu plus la confiance de Banner/Hulk et agit une fois de plus comme la prémonition d’un sombre destin peut-être pas si éloigné que cela.
Pour le coup, le graphisme outrancier et caricatural de Sam Kieth convient parfaitement à ce récit dark et survitaminé à la fois.
Le scénariste en profite au passage pour lancer de nouveaux opposants à la poursuite de Banner, une mystérieuse organisation dénommée le Panthéon et dont les agissements vont servir de sub-plot jusqu’au numéro 379.

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©Marvel Comics

L’épisode suivant (369) marque l’intronisation définitive de Dale Keown comme dessinateur officiel de la série.
C’est un rêve qui s’accomplit pour le jeune canadien qui rêve de dessiner Hulk depuis sa plus tendre enfance, cette époque où il traînait partout un carton rempli de comics du géant vert.
Et alors, oh mon dieu, quelle claque graphique c’est dès la première page tant le petit jeunot fait montre d’une maîtrise hallucinante pour un débutant.
Autant le dire tout de suite, la série n’avait pas été aussi bien dessinée depuis John Byrne.
Byrne est d’ailleurs la principale influence de Keown qui a décidé de devenir dessinateur après avoir découvert les Fantastic Four de son ainé.
L’influence du canadien mégalo est partout dans les planches de son compatriote.

Ce mimétisme avec le Byrne de la grande époque est tel que se mettent alors à courir des rumeurs comme quoi Keown serait son fils ou bien qu’il ne serait qu’un pseudonyme de la superstar.
L’arrivée à l’encrage de Bob Mc Leod, au trait lui aussi très rond, renforce cette parenté graphique.
C’est en tout cas le début d’un second âge d’or pour Hulk qui trouve définitivement sa vitesse de croisière puisque David sait qu’il tient là une perle et qu’il décide de se déchaîner au scénario.
Il n’hésitera d’ailleurs pas à déclarer plusieurs fois que Dale Keown est le dessinateur qui a le mieux mis en images ses histoires.

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©Marvel Comics

Mais l’épisode 369 donc.
Peter David décide pour le coup de s’intéresser à une facette de Hulk qu’il n’a pour l’instant encore pas abordé, celle de catastrophe naturelle ambulante.
Si cette thématique ne semble pas trop l’inspirer, elle lui permet de faire s’affronter son héros avec la Freedom Force tout en replongeant dans les apports de Mantlo.
Ainsi, Bruce fait la connaissance d’un couple dont l’enfant mutique et craintif fait remonter à la surface les souvenirs de sa propre enfance malheureuse.

Décidant de rester pour s’assurer que le petit Jack n’est pas sous la coupe d’un père abusif, c’est finalement lui qui blessera malencontreusement le petit garçon.
Si l’épisode est placé sous le signe du drame, il permet là aussi de continuer de poser les fondations de l’épisode 377.
David n’oublie tout de même pas l’humour au travers d’une vanne cachée sur la débilité d’Acts of Vengeance (décidément lui et Byrne, c’est toujours le grand amour) ou en s’amusant des mésaventures du Colosse tout en introduisant l’arc suivant.

Hulk poursuit donc son périple vers l’est et, après l’arrêt par la case Lifeform (sur lequel nous reviendrons dans le prochain article), atterrit à New York où il retrouve ses camarades fondateurs des Défenseurs : Namor et Doctor Strange (370-371).
Les trois compères libèrent par inadvertance une entité interdimensionnelle qui prend possession de Hulk.
Le combat se porte alors à la fois sur le terrain physique ou Strange et Namor tente de contenir ce « Hulk Noir » et le psychique où Banner et le Hulk Gris essaient de reprendre le contrôle.
A court d’options, Banner ouvre une porte qu’il a découvert peu avant dans sa psyché et s’il réussit à se défaire de l’entité, il s’aperçoit bien vite qu’il a ouvert là la boîte de Pandore.

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©Marvel Comics

Cette nouvelle menace intérieure, à la nature pour l’instant inconnue, oblige Banner et le Hulk gris à unir leurs forces pour la remettre sous clef.
Malgré tout, au sortir de cette confrontation la psyché de Banner se retrouve encore plus fragilisée qu’auparavant et son dos voit l’émergence d’une étrange cicatrice.
Seule lueur d’espoir dans ces ténèbres, Strange lui indique où habite dorénavant sa douce Betty.
L’arc se conclue sur un cliffhanger de folie avec un Bruce découvrant que sa dulcinée est devenue nonne.
En parallèle, Doc Samson et le mystérieux Prométhée continuent de suivre la piste de Banner.

Le scénariste continue donc son entreprise de destruction du héros en libérant de manière détournée le potentiel destructeur de Hulk et en poussant toujours plus loin la fragilisation du mental de Banner qui commence à montrer un caractère de plus en plus irascible et donc, se met à ressembler de plus en plus à son alter ego.
Malgré toute cette noirceur ambiante, l’auteur dynamite son histoire avec un humour totalement ravageur tant les piques fusent dans tous les sens.

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David s’amuse totalement des relations à couteaux tirés entre Hulk, Namor et Strange qui passent leur temps à se mettre en boîte l’un l’autre et retrouve le caractère étrange et bouffon de la série Defenders originale.
Il en rajoute même une couche avec moult références désopilantes à la culture populaire que ce soit Ghostbusters, les Challengers de l’Inconnu, Mr Spock ou bien encore Mad Max et K2000 (ces deux derniers pour Prométhée).
C’est un numéro de haute voltige que PAD accomplit ici tant il réussit à faire naviguer son lecteur du rire au larmes en passant par le bonheur ou la peur avec une aisance déconcertante même dans les retournements d’humeur les plus abrupts.

Et la spirale infernale continue avec les retrouvailles contrariées entre Bruce et Betty (372).
Les deux amants passent l’épisode dans un chassé-croisé remplis de malentendus et de rendez-vous ratés dignes des plus grands soaps.
Le dernier obstacle se dressant sur la route de Bruce est Prométhée qui tente de le capturer mais Banner perd tout contrôle à l’idée de perdre son âme soeur encore une fois et laisse éclater toute sa rage dans une métamorphose gore où sa chair se déchire et d’où émerge… le Hulk vert !!!

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Notre héros de plus en plus schizophrène retrouve finalement son unique amour dans une pleine page où éclate l’un des plus beaux baisers vu dans un comic book.
Mais les mésaventures de nos tourtereaux ne sont pas terminées.
Tandis que le Hulk gris tente tant bien que mal de renfermer le vert derrière la porte psychique, un Bruce toujours aussi à cran et sa dulcinée partent se réfugier dans l’ancien couvent de Betty.
Samson réussissant enfin à parvenir sur les lieux, Bruce est obligé de lâcher la bride au Hulk gris pour parvenir à prendre la fuite (373).

David continue de souffler le chaud et le froid avec d’un côté la lutte entre les trois aspects de Banner pour prendre le contrôle et de l’autre un humour toujours aussi ravageur qui n’hésite pas à citer Lou Ferrigno où à faire subir des tours pendables à Samson.
L’épisode se conclue d’ailleurs sur une nouvelle reprise de la fameuse conclusion de l’épisode 344 avec un nouveau dialogue au clair de lune entre le Hulk gris et Betty… sauf  qu’il se conclue cette fois-ci sur une blague.
Ceci sonne aussi comme une appel du pied de David envers le lectorat de l’époque pour revenir à des comics plus détendus et sachant rire d’eux-mêmes.

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©Marvel Comics

A nouveau en fuite, le couple part à la recherche d’un Rick Jones qui a mystérieusement disparu lors de sa tournée de dédicaces.
Tandis que le Hulk gris se montre de plus en plus amical et que Bruce semble de plus en plus vindicatif, ils retrouvent Rick dans une petite ville qui s’avère être un avant poste skrull (374-375).
Après une bonne baston avec le Super Skrull qui permet au Hulk gris d’établir un marché avec Banner, notre trio décide de partir se reposer dans le nouveau pied à terre de Rick, la ville de Reno.

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David se fait plaisir ici en tirant son récit vers la Science Fiction parano des années 50 avec une histoire fleurant bon « Les Envahisseurs » ou « L’Invasion des Profanateurs de Sépultures » voire « Le Village des Damnés » avec une petite fille bien inquiétante.
Si bien sûr, il fait toujours la part belle au couple Banner, il profite de ces retrouvailles avec Jones pour enfin redéfinir le personnage de Rick à sa convenance.
Il en profite d’ailleurs pour l’affaiblir dans un premier temps en lui faisant enfin avouer son sentiment de culpabilité envers Banner, chose qui n’a jamais été réellement creusé auparavant.

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Surtout, il va utiliser Rick Jones dans un rôle qui lui va comme un gant.
Prenant acte du caractère pour le moins incongru de ce personnage civil évoluant un peu par hasard parmi les superslips, il en fait une sorte d’aspirant-célébrité perpétuel totalement inadapté à la vie normale.
Jones c’est un peu ces types qu’on voit dans toutes les émissions télés, qui ne font rien de spécial dans la vie, évoluant de projets saugrenus en comebacks avortés, mais que tout le monde connaît.
Ceci permet aussi de faire de Rick l’un des principaux vecteurs d’humour de la série en devenant une sorte de commentateur décalé des us et coutumes des comic books de slips.
Une idée géniale qui montre à quel niveau est parvenu le scénariste.

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L’excellence franchit encore une étape avec l’épisode suivant (376) puisque tout tourne autour de la rencontre entre le couple Banner et la nouvelle fiancée de Rick Jones : Marlo Chandler (qui va elle aussi être bien redéfinie par la suite).
Peter David fait montre d’une finesse dans son écriture tant il arrive dans une même séquence à mêler humour vaudevillesque et suspense tendu.
Le lecteur oscille perpétuellement entre rire et peur lorsque Rick, Marlo et Betty réalisent que Bruce/Joe a trompé sa femme pendant que celui-ci voit toute ses barrières mentales s’effondrer.
Banner perd totalement le contrôle et toute la confusion de son esprit, toute sa folie éclate au grand jour devant ses proches.

Son corps, autant que son esprit, devient le théâtre de l’affrontement entre Bruce, le Hulk vert et le Hulk gris.
Ce combat fait alterner le corps du savant entre ses trois alter-egos dans une bataille qui équivaut à un suicide psychique et dont notre héros n’échappe qu’en se réfugiant dans une sorte de coma volontaire.

C’est donc Léonard Samson qui a dès lors la charge de reconstruire la psyché en miettes de Bruce/Joe Fixit/Hulk (377).
Utilisant l’hypnose grâce à l’aide du premier adversaire « super-héroïque » de Hulk, le Ringmaster, il mène une psychothérapie d’urgence qui lève le voile sur les traumas enfantins de Banner.
Il confronte Bruce à ses peurs primales et au spectre de son père castrateur afin de lui permettre de faire la paix avec lui-même et ses alter-egos.

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©Marvel Comics

PAD revient donc à nouveau sur les apports de Bill Mantlo en développant l’enfance torturée de Banner et en fournissant une explication donnant enfin une cohérence à presque trente ans de changements de formes divers et variés.
Ainsi, le Hulk vert représente à la fois l’innocence et la rage du Banner enfant battu par son père tandis que le Hulk gris est lui la représentation des pulsions adolescentes refoulées d’un Banner qui préféra se réfugier dans la science plutôt que de laisser libre-cours à ses émotions.

Il convient de signaler au passage l’excellence des dessins de Dale Keown qui deviennent de plus en plus beaux, fins, puissants et expressifs à chaque épisode.
Le nouveau dessinateur se joue avec autant d’aisance des combats destructeurs que des scènes de comédie ou de drame.
Ses compositions et sa mise en page sont classiques mais font toujours mouche, ses expressions sonnent toujours juste, ses personnages sont toujours parfaitement proportionnés même lorsqu’il use de distorsions et ses femmes sont tout simplement charmantes, que ce soit la fragile Betty ou la plantureuse Marlo qui se découvre enfin du sex-appeal.

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©Marvel Comics

Au terme de toutes ces tribulations, Bruce accomplit une nouvelle métamorphose symbolisant son équilibre retrouvé en devenant Hulk 24 heures sur 24, mais un Hulk vert, beau, intelligent et plein d’humour.

Et le meilleur est encore à venir avec des épisodes qui vont faire entrer le Hulk de Peter David directement au Panthéon (dans tous les sens du terme).

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©Marvel Comics

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